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Texte de Christiane

Lu à la présentation de Jayanta Guha

au Gala de l’Ordre du Bleuet, le 11 juin 2016


Il y a eu les contes des mille et une nuits où chaque personnage était le miroir de l’autre. Il y a parmi nous les récits des mille et une vies de Jayanta Guha. L’homme par qui les musiques s’épousent, les photographies témoignent et les mots réconcilient tout. De son Inde natale, de ses séjours dans des ailleurs multiples pleins de contrastes, jusqu’à ce Québec adopté en 1968 pour aboutir à Chicoutimi en 1971, ce géologue artiste a conçu une mosaïque qui n’est pas que musicale. Les sons de ce groupe multiethnique fondé en 1993 sont le chant de son humanité. Il dit : « La chance que j’ai eue, en tant que géologue, musicien et photographe, de rencontrer des gens de tous âges et cultures d’ici et d’ailleurs a certainement enrichi ma vie. Comme géologue : d’aller voir l’intérieur d’un pays et d’être exposé à des traditions propres à chaque culture. En tant que photographe, à travers mes expositions : de dialoguer avec des gens sur mon regard. Comme musicien : d’approcher des gens parce que la musique n’a pas de barrière de langue et trouver une deuxième famille — Mosaïque. Toutes ces rencontres et expériences m’ont aidé à développer un respect profond de notre humanité pleine de diversité. »


Né à Calcutta le 31 mars 1942, Philosophiae en géologie économique de l'université de Jadavpur depuis 1967, il est un an au Conseil de recherches scientifiques et industrielles en Inde. À 26 ans, il entreprend la conquête d’un nouveau pays en poursuivant sa carrière à l’École Polytechnique et à l’Université de Montréal, pour aboutir comme professeur-chercheur en Sciences de la terre à l’Université du Québec à Chicoutimi. Il passera un an, à titre de professeur invité à l’université d’Heidelberg en Allemagne et sera nommé professeur émérite le 1er janvier 2003. L’homme de sciences ne s’impose pas comme un rival à l’homme des arts. L’un converge vers l’autre. Sa passion pour la géologie est le pont qui l’amène via ses différentes expressions artistiques à rejoindre les humains.


« C’est très excitant d’essayer de décortiquer ce qui s’est passé il y a des milliards d’années, explique le géologue. Bâtir des modèles et parfois faire de la géo-poésie. Je crois que c’est essentiel d’utiliser mes passions pour venir en aide, de façon modeste selon notre capacité, à des gens qui ont en besoin. Je suis choyé par ma famille de musique, Mosaïque qui, à maintes reprises, a organisé avec d’autres musiciens des concerts-bénéfices à cette fin. La résonance de notre musique a donné huit puits pour fournir de l’eau potable sans arsenic à 1000 villageois du Bengale ainsi que des fonds à des victimes du tremblement de terre à Haïti et au Népal. »


Parmi ces groupes dans le besoin, la grande famille de M. Guha inclut ceux de la région. Des concerts-bénéfices ont été donnés au profit d’organismes dont le Centre de solidarité internationale et Café Cambio ou encore Moisson Saguenay.


« C’est l’alignement de plusieurs éléments qui façonne la vie et les met sur des chemins parfois linéaires et parfois non linéaires », assure Jayanta Guha. N’est-il pas issu d’un couple hors de l’ordinaire? Son père, Parimal Chandra Guha a pour passion l’écriture et la photographie. Le film qu’il a produit sur le thème de la jeunesse est encore considéré, 65 ans plus tard, comme un classique du cinéma bengali. Sa mère, Renuka Sen, écrit de la poésie, joue de l’esraj, participe au mouvement All India Women’s Conference et travaille bénévolement pour diverses causes humanitaires, principalement reliées à la défense des droits des femmes. Parimal et Renuka, issus de castes différentes ont fait un mariage d’amour, transgressant le tabou d’une époque. Les souvenirs d’enfance de Jayanta sont tissés dans le courage et la musique. Courage d’un père osant affronter un à un et calmer avec succès deux groupes opposés, l’un hindou l’autre musulman, déterminés à s’entretuer. Musique omniprésente dans cette maison refuge pour musiciens et cinéastes, certains devenus célèbres, mais à l’époque dans le besoin.


Digne fils Guha, Jayanta a épousé en 1969, Denise Lebœuf, complice idéale de ses incessants projets. Croyant tout autant au lien du sang qu’aux liens du cœur, parents de deux fils, Robi et Bhaskor, grands-parents de cinq petits-enfants, ils ajoutent des enfants adoptés ainsi que la famille élargie de Mosaïque.


Ce Saguenéen d’adoption est avantageusement connu pour ses expositions de photographies, notamment Visages de Chine — Le contraste. Des expositions qui ont voyagé de par le monde et dont la plus récente, Le petit matin, se tient présentement dans le Hall du Centre national d'exposition de Jonquière.


Membre du conseil d’administration du Centre de musique expérimentale, président d’honneur et membre de jury de concours internationaux, c’est le géologue qui a principalement cumulé les prix et les honneurs nationaux et internationaux : médaille commémorative Barlow en 1995, Prix Julian Boldy en 1998 ou prix Côme-Carbonneau, la plus haute distinction de l’Ordre des géologues du Québec en 2007.


Le photographe Guha a participé à des diapos-conférences et à des expositions au Canada, mais aussi en Inde et en Chine multipliant des thèmes empreints de poésie comme Rugissement de la mer et silence d’une rivière, Ponts d’espoirs. Ses photographies ont été publiées dans des livres : Petites Éternités accompagnant la poésie de Carol Lebel, Une fenêtre sur la Chine contemporaine, recensant une quarantaine de photos et textes, publication dont une partie des profits a été donnée à la Soupe populaire de Chicoutimi et au Fonds de dépannage de l’UQAC pour les étudiants. Il a aussi publié Stones : Silent Witness to cultural Diversity of India, avec Ganpat Roonwal, aux édition Kaveri Books en Inde.


Le musicien percussionniste, cofondateur du groupe Mosaïque dans le but de rassembler de jeunes musiciens, a présenté plusieurs concerts au Saguenay–Lac-Saint-Jean, à Montréal et dans d’autres pays. Mosaïque a produit un album « live » en 2005 et deux, en 2006 et 2015, avec le célèbre chanteur Surojit qui garde un bon souvenir de son passage dans la région.


L’artiste reste modeste, discret, avouant son amour pour sa terre d’adoption. Chicoutimi, un lieu choisi pour la convivialité de ses habitants et un environnement, une nature exceptionnelle. « Une autre conviction qui me retient dans la région c’est que le futur du Québec réside sur le dynamisme des régions. Ce n’est pas seulement les ressources naturelles que les régions ont fourni, mais aussi les ressources humaines aussi bien dans le domaine de l’art, la culture que de la science. C’est notre devoir de garder la région dynamique dans toutes les sphères. » Et d’y garder des artistes qui, comme lui, contribuent à notre épanouissement et, reprenant ses mots, « à développer un respect profond de notre humanité pleine de diversité. »


Le 11 juin 2016

Jayanta Guha


Humaniste, artiste multidisciplinaire et géologue

Pour sa contribution exceptionnelle à la vie artistique


fut reçu membre de l’Ordre du Bleuet


        

POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.